Au revoir Michael Phelps


Il m’aura fallu attendre que l’épreuve s’achève pour y croire.

Nous sommes dans la nuit du 11 août, Michael Phelps, l’extraterrestre américain, vient de remporter à Rio de Janeiro pour la 4ème fois consécutive, le titre olympique sur le 200m 4 nages.
Ryan Lochte, son éternel rival, s’est écroulé pour ne terminer que 5ème à plus de 3 secondes de son record du monde.
Le roi Phelps est revenu des enfers de l’alcool et de la dépression pour s’imposer en patron dans la plus belle des compétitions qui soit. Juste pour ce sentiment unique d’être sur le toit de la planète.

Et il m’aura fallu attendre que l’épreuve s’achève pour y croire.

Croire que je suis devant mon écran de télévision et non pas dans ce bassin, en finale à me confronter au Léviathan. Pour croire que le rêve est resté à l’état de rêve. Pour croire que les efforts n’ont pas payé. Ou du moins pas assez, pas comme il aurait fallu pour lui faire lire mon nom sur le programme d’une des dernières épreuves individuelles de sa monstrueuse carrière.

Oui, il m’aura fallu attendre que l’épreuve s’achève pour y croire.

Pour sortir de ma torpeur. Pour m’évader de la cellule psychologique dans laquelle j’étais plongé depuis l’annonce de la liste des qualifiés pour les Jeux.

Il m’aura fallu attendre que l’épreuve s’achève pour me réveiller, pour respirer à pleins poumons, pour évacuer cette douleur, pour cesser d’être spectateur et de considérer ma vie autour de cet unique événement.
Il m’aura fallu attendre que Michael fasse son tour d’honneur, une médaille d’or scintillant de mille feux à son cou, pour envisager toute chose au delà du mois d’août 2016. Pour tenter d’imaginer que mon existence sur cette Terre était possible sans être au Village Olympique.

Il m’aura fallu attendre que l’épreuve s’achève pour y croire.
Pour faire le constat que mes proches ne m’ont pas renié malgré l’affront. Qu’ils m’ont soutenu presque plus que dans la victoire. Pour accepter l’idée de ne pas vivre cette expérience incroyable, où se réunissaient les légendes actuelles du Sport. Pour renoncer à ce partage culturel extraordinaire que permet Rio pendant deux semaines en réunissant le monde dans sa pluralité ethnique, religieuse, musicale, idéologique. Dans ces lieux où la fête devient un principe fraternel et universel.

Il m’aura fallu attendre que l’épreuve s’achève pour comprendre que je n’afficherai pas mon nom dans le Panthéon du sport, que je ne serai pas un olympien, que mon fils ne se targuera pas que son père ait participé aux Jeux Olympiques. Tandis que celle de Michael tentera de cacher l’identité de son paternel pour espérer avoir une vie relativement normale.

Il m’aura fallu attendre que l’épreuve s’achève pour ne plus détester les décomptes annonçant la cérémonie d’ouverture, les publicités des sponsors et même Pierre de Coubertin. L’important, c’est de participer. Tu ne croyais pas si bien dire…

Il m’aura fallu attendre que l’épreuve s’achève pour comprendre qu’il y aurait un 12 août et puis un 13 et même un 14. Comprendre que je serai à nouveau capable de me fixer un objectif, de m’y cramponner et de le réaliser. Comprendre qu’il faut être capable de redémarrer la machine pour être vivant et ne pas laisser l’échec surpasser les réussites.

Que s’il existe vraiment des chutes qui nous rendent plus fort, alors à coup sûr, celle-ci en fait partie.

Il m’aura fallu attendre que l’épreuve s’achève pour vivre à nouveau.
Le cœur lourd, je te remercie Michael Phelps. Tu m’as fait renaître autant que tu as fait rêver le jeune métisse guadeloupéen que j'étais lorsque nous nous sommes rencontrés à Paris il y a quelques années.

Pardonne-moi de n’avoir su te rejoindre pour ta cérémonie d’adieu.

Open EDF Juin 2010



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