Sablier fuyant



La mortalité de l’être humain.
L’éphémère et fragile existence durant laquelle l’homme foule les sentiers de notre planète détermine à quel point le temps est notre bien le plus précieux.

L'effort, un moment en dehors du temps. ©Photo : S.Kempinaire

Il se mesure théoriquement mais sa valeur n’a rien de comptable.
Dans le sport de haut niveau, peut-être plus que dans tout autre domaine, il ne faut envisager de croire que l’on peut faire des économies sur le temps.

Bien que le talent et les différences physiologiques détiendront toujours une part de mystère, le véritable succès ne s’aperçoit qu’à la multiplication du nombre de tours d’aiguilles sur le cadran de l’horloge.
Et il vaut mieux privilégier la plus courte des trois aiguilles. Celle qui prend tant de temps à se mouvoir. Celle qui ne se déplace que lorsqu’on ne la regarde pas.

En natation, mais dans beaucoup d’autres sports, l’équation est simple :
Pour une potentielle victoire, accessoirement agrémentée d’une probable exposition médiatique de très courte durée et de revenus relativement peu conséquents, un nageur passe en moyenne 6 heures de sa journée à s’entraîner soit un peu moins de la moitié de son temps éveillé.

Manque de réflexion ou acharnement, il va sans dire que c’est un calcul qui ne privilégie ni l’ascension professionnelle ni l’enrichissement financier. Certainement pas un choix de raison mais précisément celui d’un rêve. 

Un rêve qui se paye.
En temps, évidemment.

Sur les études.
Cette carrière de cadre envisagée dès le plus jeune âge qui tarde à se dessiner.

Sur le temps passé auprès de la famille, qui s’échappe, inexorablement.
Nombreux sont ceux qui ont parcouru des kilomètres ou des océans pour atteindre leur lieu d’entraînement.
Et nombreux sont ceux qui ne disposent ni des moyens ni du temps pour combler ce vide entre eux et leurs êtres les plus chers.

Sur l’autre entourage aussi.
Ces amitiés, si profondes soient elles, mais dont chaque message, chaque appel, chaque proposition de sortie ou restaurant devient un choix cornélien. Parce que le temps fuit et impose une hiérarchisation.
L’entraînement et les cours, évidemment. Mais aussi toutes les évidences du quotidien : Les courses, le sommeil, le ménage, le sexe, la cuisine, l’essence, etc.
Un film au cinéma se calcule. Un week-end ailleurs relève de l’utopie.


Pourquoi alors, ce choix de vie si chronophage ?

Pour que le temps, justement, celui qui s’affiche sur le chronomètre, soit le plus petit possible.
Pour le sourire de ces proches tellement négligés.
Pour l’exploit. Pour le frisson. Pour l’égo.
Pour ces deux marches de podium qui conduisent au bonheur suprême.
Pour se convaincre que le jeu en valait la chandelle.
Et que la chandelle est ardente.
Oh oui, qu’elle est brûlante à l’intérieur de soi quand le résultat dépasse toutes nos attentes.
Ce sont peut-être les seuls instants où le temps s’allonge. Où il nous accorde un répit dans son rythme effréné. Où il façonne sur notre visage, un sourire impossible à décrocher.


Le temps détient la profondeur de l’excellence.
Mais il nous enseigne que le sport ne dure qu’un temps.
Et qu’il se mesure en réussite mais aussi en bonheur.






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