Douleur Moteur
« Quelqu’un meurt, et c’est comme un silence qui hurle » Benoît Marchon.
Vouloir être le meilleur.
Sinon comment expliquer pourquoi tous ces êtres acharnés à travers le
monde s’obstinent quotidiennement à repousser leurs limites dans le labeur
de l’entraînement ?
Cette implication déraisonnée, presque pathologique, est mue
par une motivation et une ambition toute aussi démesurée.
La vie a pourtant cette capacité incroyable à changer son
cours et à engendrer des bouleversements indélébiles.
La perte d’un proche, une séparation amoureuse, la
dislocation d’une famille.
Un seul évènement peut annihiler toute volonté,
obstruer la moindre pensée, rendre immorale l’idée même d’être bêtement occupé
dans une activité si insignifiante qu’est le sport.
La tristesse vous détruit, elle écorche l’intérieur
de votre poitrine bien plus sournoisement que ne la poignarderait une lame.
Elle ne s’estompe pas et elle ne se soigne pas.
Elle vous rend capable de vous trouver physiquement
quelque part sans que vous ne sachiez ce que vos yeux regardent. Sans que vous
ne puissiez témoigner du bruit qui vous entoure. Sans que vous ne ressentiez ce
qui entre en contact avec votre peau.
Plus rien n’a de goût. Plus rien n'a d’odeur.
Et c’est là où le bât blesse.
Le sport de haut niveau trouve sa perfection dans les
détails. L’attention induit l’automatisation de ces détails et notre capacité à
les exécuter dans l’effort.
Lorsque l’attention n’est plus focalisée sur ceux-ci, lorsque
l’esprit n’est plus enclin à mobiliser chaque ressource exploitable, il est
strictement impossible de continuer à espérer être le meilleur.
Peut on alors comprendre ou déchiffrer le succès de tous ces
sportifs aux histoires familiales inextricables, de ces jeunes issus de milieux
défavorisés, ou même de ces champions déchus, revenus au plus haut
niveau ?
La solution tient dans le problème. L’ardeur de la douleur
et le déchaînement de tristesse sont si puissants que seuls les êtres les plus
déterminés parviennent à muer ce supplice en un carburant redoutable.
Le sport peut devenir la seule échappatoire
à l’extrême dureté du réel. L’unique moyen d’expression, de valorisation ou de
réappropriation d’un égo malmené par une exclusion sociale, une enfance difficile.
La souffrance, c’est cette brise puissante
qui peut, à tout moment, faire chuter l’équilibriste du fil de la vie.
S’en servir pour être le meilleur, c’est
être capable d’utiliser le vent pour nous pousser à l’autre extrémité du fil.
Malcolm de Chazal le résumait si bien :
« La
souffrance ne grandit que les grands ».
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