« Nous vous exterminerons à coups de liberté »

Crédit : ® Le Point

La première fois qu’il s’est manifesté, nous étions en 2001. A l‘époque, je ne savais pas comment le décrire. Il m’était apparu comme un peu timide, un peu distant. Peut être parce que je ne le connaissais pas très bien. Peut être que ma jeunesse aidant, je n’avais pas conscience qu’il serait à mes côtés pour longtemps. Et peut-être et surtout, parce qu’il était présent pour des raisons lointaines, de l’autre côté de l’Atlantique.

Plus tard, il est revenu. De manière moins puissante, refaisant surface quelque fois dans les transports en communs espagnols, dans une école américaine ou sur une île norvégienne.
Sans que je m’en rende compte, il s’installait en moi de manière permanente, se révélant plus ou moins pesant en fonction de l’actualité. Jusqu’à ce jour de mars 2012 où je ne l’avais jamais senti si pressant.

Ce sentiment mêlant tristesse et dégoût, alliant mal-être et incompréhension était semblable au réveil d’une mauvaise gueule de bois mais avec dans la bouche, un goût plus proche du sang que celui de l’alcool. Avec dans le cœur une étreinte qui ne s’estompe pas et qui poussent les larmes au bord des pupilles de manière constante.

Mohamed Merah venait d’assassiner plusieurs enfants dans une école toulousaine. Il rôdait toujours, espérant ajouter d’autres victimes à son morbide tableau de chasse. Lorsqu’il fut exécuté, j’entretenais égoïstement l’espoir que cette tuerie, si proche de moi et des miens, serait la dernière sur notre beau pays.

Mais je me trompais. Ce sentiment qui faisait se confronter en moi l’effroi et la honte, l’impuissance et la haine n’en était pourtant qu’à ses prémices. L’année suivante, un premier échec concluait des tentatives d’assassinats dans les locaux de BFMTV et Libération en plein cœur de Paris. Mais moins de deux ans plus tard, les criminels étaient préparés et prêts à tout pour achever leur « sainte » destinée. L’amateurisme avait disparu pour laisser place à un funèbre professionnalisme.  
Un acte de barbarie qui avait pour seul but de briser toutes les valeurs pour lesquelles nous nous étions battus pendant des siècles : liberté d’expression, liberté de culte, liberté de se mouvoir sans craindre l’inconnu.
Les journalistes de Charlie Hebdo, les policiers, les clients de l’Hyper Casher représentaient tous à leur manière une partie de notre démocratie. Une partie de notre République. Une partie de notre France.

Partout des foules se sont réunies pour refuser à la barbarie le droit de décider nos vies. De Toulouse à Paris, en passant par Lyon, Montpellier et Marseille, les Français se sont élevés pour cracher leur amour et leurs vertus sur ceux qui tentaient de les priver de leur bien le plus précieux : la liberté.
En ce début d’année 2015, de nombreuses voix s’élevaient pour crier ensemble : « Plus jamais ça ».

Malheureusement, le pire était à venir.


Notre génération n’a pas connu l’horreur des guerres mondiales.
Elle n’a pas vécu l’atrocité des camps de concentration et n’a pas eu à subir le quotidien insupportable de l’occupation. Elle n’a cohabité ni avec l’esclavage ni avec le génocide.
Mais ce qu’il s’est passé dans la nuit du vendredi 13 novembre 2015 marquera une fois de plus l’Histoire de notre France.

Vous qui prétendez agir au nom d’un Dieu, au nom d’un prophète, je le reconnais, vous nous avez terrorisé. Vous nous avez saisi d’effroi.

Voir les nôtres gisant dans leur sang, criant de terreur, hurlant de douleur dans notre capitale, dans nos lieux de vie, de détente et de partage. Ce fut une abomination.

Vous avez poussé cette souffrance déjà vive à son paroxysme au point de ne laisser en moi, en nous, qu’une angoisse putride, une désolation mortuaire.
Vous avez voulu nous faire renoncer au rire, à sortir de chez nous. Vous avez voulu nous faire vivre dans la crainte et l’appréhension de vos crimes.

Mais ce ne sera jamais le cas.

Vous ne nous diviserez pas par vos actes infâmes. Vous n’empêcherez pas à nos femmes d’être nos égales. Vous ne nous empêcherez pas de danser, de chanter, de nous exprimer. Vous ne nous enchaînerez pas à votre discours fataliste et réducteur.
Envoyer au suicide des jeunes en manque de repères ne vous honore d’aucune gloire.
Votre folie n’a d’égale que votre étroitesse d’esprit. Et l’infime trou par lequel vous voyez notre monde ne vous autorise pas à assassiner des innocents dont le seul tort a été de vouloir profiter de la vie.

Sachez Messieurs que jamais, vous ne mettrez fin à notre culture, à nos mœurs, à notre conception de la vie.
Vous pouvez toujours essayer de nous abattre, nos valeurs, elles, ne cesseront jamais d’exister.
Nous ne tremblerons pas.


Et nous continuerons de brandir notre amour et notre liberté pour mettre à mort votre ignoble combat.










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